Voyage au bout de la nuit, c’est un chef-d’oeuvre de l’entre-deux-guerres, un texte qui semble fait pour être écouté. Un récit à la première personne – celui de Bardamu, héros-narrateur, soldat réchappé de l’enfer de la Grande Guerre –, un « roman-voix » qui tranche et qui s’impose. Un style unique, entre immédiateté de la parole jetée sur la page et tenue d’une plume qui choisit ses mots ; entre simulacre d’oralité et précision de la langue. Dans cette tension permanente réside la jouissance, l’immense beauté du texte. Hélène Firla, cigarette roulée vissée entre les lèvres, large costume d’homme et chapeau melon, est prodigieuse. Bardamu incarné par une femme... Une trouvaille signée Philippe Sireuil, qui, avec cette admirable adaptation scénique, restitue au texte son étrangeté, sa grandeur, sa violence.
Louis-Ferdinand Céline (1894-1961) est adulé et honni. Il est à la fois l’auteur de Voyage au bout de la nuit, de Mort à crédit, et celui de pamphlets antisémites aussi nauséabonds que délirants. Il est le pacifiste qui a dénoncé les horreurs de la Grande Guerre et l’homme qui s’est compromis avec les plus extrémistes des collaborateurs sous l’Occupation.
Philippe Sireuil est metteur en scène de théâtre et d’opéra, cofondateur du Théâtre Varia, compagnon du Théâtre de la Place des Martyrs (Bruxelles) depuis 2008. Il a occupé pendant une vingtaine d’années une charge de cours à l’Institut national supérieur des arts du spectacle (INSAS) de Bruxelles. Parmi ses mises en scène récentes : Les Mains sales de Sartre (Comédie de Genève, 2013), Récit de la servante Zerline de Broch (Théâtre de la Place des Martyrs, 2014). Il a créé Voyage au bout de la nuit au théâtre Le Châtelard en 2014.