Gena Rowlands sous l’œil du cinéaste John Cassavetes. Nick, contremaître de chantier, est retenu sur son lieu de travail pour une nuit. Mabel, sa femme, confie leurs enfants à sa mère et sort seule. Son besoin de tendresse et sa désinhibition donneront lieu à des incidents imprévisibles, qui pousseront son mari à la faire interner. Nina Negri revisite ce joyau du 7ème art pour traiter les questions qui la taraudent. Quelles sont les limites qu’une femme ne peut pas franchir ? Comment ouvrir de nouveaux imaginaires pour résister à la violence des injonctions sociales ? Comment le regard aimant des enfants peut déjouer l’enfermement ?
Nina Negri met en scène Laura Den Hondt qui joue Gena Rowlands qui joue Mabel. Elle nous tend un triple miroir pour (re)lire le film et ce monde selon nos perceptions intimes. Une plongée sensorielle où les personnages croisent leurs doubles dansant du Krump et des enfants comme des souvenirs de toutes les enfances. Et aussi le trouble d’une actrice traversée comme rarement.
NINA NEGRI
Une bougeotte effrénée et un appétit d’apprendre dynamisent le parcours de la jeune femme qui sillonne Paris, Rome et Verscio pendant ses études, prolonge sa formation au sein de l'École des Maîtres à Udine, Zagreb, Bruxelles, Reims, Coimbra, ainsi qu'à la Biennale de Théâtre de Venise avec Thomas Ostermeier et Jan Lauwers. Elle finalise sa formation à Lausanne en suivant le Master Mise en scène à La Manufacture – Haute école des arts de la scène.
Au sein de sa compagnie Alma Venus, elle explore la manière dont les imaginaires dominants marquent les corps des minorités et des marginaux dans des spectacles pluridisciplinaires créés à partir d’écritures de plateau. En tant que comédienne, elle a notamment travaillé avec Blandine Masson, Thomas Ostermeier, Barbara Nicolier, Laurent Poitrenaux, Jan Lauwers, Cesar Brie et Massimo Furlan.
Ses principales réalisations :
- GirlisaGun (2015). Spectacle conçu et mis en scène avec Isadora Pei. En abordant la construction du genre, les mécanismes d’exploitation et les processus d’autodétermination, ce spectacle vient bousculer la manière dont les travailleurs et travailleuses du sexe sont perçus dans l’imaginaire collectif.
- Carto-graphies de Corps Migrants (2016). Conçue en collaboration avec l’artiste Kahena Sanaa, cette performance présentée dans le cadre de l'exposition Le Corps Dessinant au Musée des Arts et Métiers de Paris redistribue la cartographie des trajectoires migratoires dans l'espace public, grâce à l’invention d’un nouvel alphabet de gestes, issus de l'imaginaire collectif.
- M. la Multiple (2018). Par le montage de différents langages et codes scéniques, ce spectacle défie l’injonction sociale qui oppresse les femmes dans leur rapport à la maternité.
- Adèle H. (2019). Performance participative avec Rébecca Balestra, Cédric Leproust et Gwenaëlle Vaudin, basée sur le témoignage d’Adèle Haenel, qui creuse le rapport entre le silence de l’omerta et la violence du pouvoir institutionnel.
Réalisation de courts films de recherche documentaire : Disobey (2016), Enquête sur la mise en scène (2017), La Huitième Élégie de Duino (2018).
JOHN CASSAVETES
Icône du cinéma indépendant américain des années 70, Cassavetes signe une œuvre en marge de la grande industrie hollywoodienne. Il excelle dans une direction d’acteurs émancipatrice, libérant ses interprètes des mécanismes scénaristiques et d’un maximum d’astreintes techniques. Placés au centre, les acteurs et actrices usent d’une liberté d’improvisation et de déplacements inédite. Le jeu s’intensifie jusqu’à déclencher des impulsions physiques qui, au-delà des mots, expriment leur degré de détresse ou de joie. Cassavetes filme les préoccupations quotidiennes de la classe moyenne américaine, avec un œil-caméra qui débusque l’intimité et la fragilité des âmes. C’est dans les fêlures que le cinéaste puise le charisme de ses personnages.
Quelques-uns de ses films :
- Shadows (1959). Ce docu-fiction aborde la discrimination raciale à laquelle un groupe de jeunes noirs et métis est confronté. Pour son premier film, Cassavetes a l’audace de traiter un sujet polémique. Tourné en décors naturels, avec des acteurs inconnus et un budget riquiqui, ce « cinéma vérité » participe à l’émergence d’une nouvelle vague new-yorkaise. Le réalisateur capte les improvisations des acteurs et des musiciens, dont un certain Charles Mingus.
- Husbands (1970). Premier film en couleurs de Cassavetes. Comme le titre l’indique, voilà une histoire de maris. Trois quadra, pères de familles et amis de longue date – interprétés par Peter Falk, Ben Gazzara et John Cassavetes lui-même – mettent le cap sur Londres après le décès brutal du quatrième larron de la bande. Loin des yeux, loin du cœur, le trio fait la noce et drague à tout va.
- Opening Night (1977). À l’instar de Mabel dans Une Femme sous influence, le personnage de Myrtle dans Opening night glisse peu à peu dans la folie. Gena Rowlands, reçoit un Ours d’argent au festival de Berlin pour cette partition à la fois sublime et tragique. Elle s’impose comme la seule interprète imaginable pour incarner le dérapage incontrôlé d’une actrice vieillissante, Myrtle, à qui l’on confie un rôle pesant. Elle est The Second Woman, détrônée par le temps. Un soir, à la sortie d’une représentation, une fan hystérique meurt sous les roues d’une voiture et sous les yeux de Myrtle. Cet accident accélère la dérive de l’actrice. Percluse de solitude, hantée par le fantôme de la disparue, Myrtle noie son angoisse dans l’alcool. En plans serrés, la caméra plonge littéralement dans les scènes suffocantes, donnant au spectateur la sensation d’être physiquement impliqué dans l’intrigue.
- Gloria (1980) résonne comme un titre prophétique. Ce film reçoit le Lion d’Or à la Mostra de Venise. Véritable consécration commerciale pour Cassavetes, il le surnomme pourtant… « l’accident » car il se démarque du reste de son registre. Pas de place pour l’improvisation, peu d’introspection, l’accent est mis sur l’action et le suspense. Gloria, ancienne maîtresse d’un parrain new-yorkais, accepte à contrecœur de s’occuper d’un enfant de six ans dont les parents et la sœur viennent d’être froidement abattus. S’engage la cavale haletante de la femme et du petit dans le dédale de la ville menaçante. Après Mabel et Myrtle, l’incontournable Gena Rowlands compose le personnage de Gloria sous l’œil de Cassavetes.